vendredi 29 janvier 2021

Avis lecture - L'arabe pour tous de Nabil Wakim


J'ai acheté le livre L'arabe pour tous de Nabil Wakim le jour de sa sortie, le 1er octobre 2020. Pourtant, je viens seulement de le terminer ce 10 janvier 2021. À vrai dire, je n'ai même pas commencé la lecture le jour de l'achat. Je crois que j'ai entamé le livre 1 mois plus tard. J'ai commencé à lire et j'ai eu peur. Peur de lire des choses qui me rendront tristes. Peur de lire des choses que je sais déjà mais couchées dans une oeuvre ça les rend encore plus réelles. J'ai donc fait une pause en décembre avoir de le terminer à l'entame de l'année 2021. Voilà pour le contexte. 

De quoi ça parle ? 

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Avis 
À chaque fois que j'ouvrais L'arabe pour tous, je le dévorais. J'étais happé par ce que je lisais. S'il est question de langue arabe, des enfants d'immigrés comme moi peuvent aisément s'identifier à ce qui est dit sur l'intégration. J'ai notamment été plutôt marqué par tout ce qui est lié aux parents et à leur langue d'origine. Je n'y avais jamais fait attention mais en le lisant dans le livre, je me suis rendu compte que mes parents dont la langue maternelle est le malgache, parlent systématiquement français en public et gardent le malgache pour le cercle privé. Pourquoi ? Parce qu'ils ont fait ce que tous les parents ont faits pour s'intégrer en France. Ils ont essayé d'adopter les coutumes et la culture française. Ils ont sûrement accepté beaucoup de choses que je ne peux même pas imaginer. Ce qui est certain, c'est qu'ils ont essuyé des plâtres pour que moi et d'autres puissent s'épanouir en France. 

Le point commun entre ces deux langues, c'est qu'elles viennent de pays qui ont été colonisés par la France. Quand un colon vient dans un pays, il cherche à le transformer pour qu'il lui ressemble le plus possible. Le biais principal est la langue : en l'occurence ici le français. Le risque avec ça, c'est que la pratique de ces langues disparaissent petit à petit avec les générations qui suivent. C'est ce dont parle Nabil Wakim dans son livre. C'est ce qui se passe dans ma famille. Sur trois enfants, il n'y a que ma grande soeur qui a récemment appris à parler le malgache. Mais la comparaison s'arrête ici. La France ne cherche pas à ralentir l'apprentissage du malgache contrairement à l'apprentissage de l'arabe. 

Ça m'amène au premier extrait qui m'a marqué, page 160. 

« Le bon arabe, c'est celui qui ne se plaint pas et qui fait ce qu'on lui dit de faire. Le bon Arabe, c'est celui qui ne transforme pas le paysage avec sa langue, sa culture, sa religion. Le bon Arabe, c'est celui qui choisit d'être le meilleur en français plutôt qu'en arabe. Je me rends compte que je suis un peu comme ça. »
C'est l'impression que j'ai quand on parle de la France et de l'immigration. La France ne voit pas les autres cultures comme une richesse. La France fait passer sa culture avant toute les autres. C'est pour ça qu'on se retrouve avec des films comme Intouchables qui cartonne dans lequel Omar Sy joue le rôle du noir gentil qui ne fait pas peur. Je pense aussi à une carrière comme celle de Roschdy Zem. Je pense aussi à Claudia Tagbo qui a réussi à intégrer la clique d'Arthur en jouant la noire de service avec son accent bien cliché. Bref, que des gens qui ont coché toutes les cases pour se faire accepter. C'est dit avec mépris mais je respecte aussi leurs choix. Chacun fait ce qu'il veut. Le film qui incarne le plus cela a cartonné au cinéma : Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?. À l'inverse, les États-Unis, qui est un pays éclaté au sol sur plein d'aspects, valorise les cultures différentes. Ils font même ça à outrance. 

Un autre point qui a soulevé mon attention est l'image qui est collée aux personnes qui parlent ou veulent apprendre l'arabe. Page 106, on peut lire ceci : 
« Un ancien inspecteur d'académie raconte : "Un chef d'établissement qui n'était pas contre à titre personnel m'a dit : 'Je ne veux pas faire fuir mes bobos'. Il y a là un fantasme de l'invasion barbare." Pour ne pas dire "je ne veux pas de l'arabe", les proviseurs vont glisser "je suis plutôt sur l'italien". "Mais on sait que ça veut dire 'je ne veux pas mélanger mes élèves aux gens des cités'". "C'est perçu comme une sorte de déclassement social", se désole l'ancien inspecteur. »

À cet extrait, j'ajoute cette déclaration de l'artiste Camélia Jordana qu'on peut retrouver page 151. 

« Quand j'ai dit que j'allais chanter en arabe, mon label n'était pas content. Ils m'ont prévenue que l'arabe, ça ne passait pas à la radio. Ils m'ont dit : 'Mets du français dans ton album si tu veux que ça passe à la radio'. »

En fait ce que j'ai compris dans le livre c'est qu'il y a plein d'arabophone en France et plein de gens qui veulent apprendre l'arabe. Mais les institutions font en sorte que ça n'arrive pas. Et c'est pas quelque chose de passif. Ce sont des choix délibérés. Rien que les derniers mois en ont été l'exemple parfaits. Dès qu'il s'agit du monde arabe et de qui s'y rattache (langue, religion), l'opinion publique se tend. Le problème c'est que c'est une tendance que les enfants d'immigrés intériorise. C'est là où ce livre est important, il met le doigt sur un problème systémique. 

Cependant, tout n'est pas foutu. Je me souviens avoir été marqué par un propos de Fianso chez Clique. Il disait que l'époque des parents qui baissent la tête et s'excusent d'être là est révolue et que lui ne s'excusera jamais d'être qui il est. Dans la même veine, Mustapha El Atrassi dit pareil. C'est d'ailleurs, cet artiste qui m'a éveillé sur ce sujet à travers ses spectacles. Je trouve ses propos très intéressants et je vous conseille très fortement d'aller voir ce qu'il fait, notamment sur sa chaîne YouTube. Le point commun entre les deux c'est qu'ils ont le même âge. 


Conclusion 

C'est un livre excellent que je vous conseille fortement d'acheter même s'il remue et révolte. 

Infos 

198 pages - lien pour l'acheter


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