dimanche 5 avril 2020

Avis lecture - En finir avec Eddy Bellegueule d'Édouard Louis

Tout est parti d'une discussion le midi avec un collègue de travail. Il a loué trois auteurs : Annie Ernaux, Didier Eribon et Édouard Louis. C'est le nom du dernier que j'ai retenu parce que j'en avais déjà entendu parler de loin. Peu de temps après, j'ai écouté un podcast passionnant du Monde avec Édouard Louis comme invité. J'ai apprécié ce qu'il a dit et ça a terminé de me convaincre de le lire. Dans la foulée, j'ai commandé son premier roman via Paris Librairies. Je le récupérai le soir-même après le travail.


De quoi ça parle ?
Édouard Louis raconte son enfance dans la campagne française profonde où le racisme et l'homophobie sont la norme.

Avis
Strip Tease. En finir avec Eddy Bellegueule m'a fait penser à Strip Tease. Cette ancienne émission mettait le projecteur sur des gens qui n'étaient jamais dans la lumière. On y voyait notamment des gens de la campagne. Dans ce livre c'est exactement ça dont il s'agit. Édouard Louis présente son enfance au sein d'une famille qui aurait largement eu sa place dans Strip Tease. Tout comme les épisodes de cette émission, j'ai eu du mal à décrocher tellement j'ai été absorbé dans ce monde qui est totalement étranger au mien. Je ne nie pas qu'il y a une forme de voyeurisme quand j'ai lu ce livre avec mes yeux d'urbain.

Dans ce livre, Édouard Louis n'est pas tendre avec sa famille. Il n'omet rien. Il les dépeint de façon peu flatteuse. Page 57, le portrait qu'il fait de sa mère m'a fait penser aux internautes qui commentent les publications des médias à longueur de temps.

"C'était une femme souvent en colère. Elle protestait dès qu'elle en avait l'occasion, toute la journée, elle proteste contre les hommes politiques, les réformes qui réduisent les aides sociales, contre le pouvoir qu'elle déteste au plus profond 'elle-même. Pourtant, ce pouvoir qu'elle déteste, elle l'appelle de ses voeux quand il s'agit de sévir : sévir contre les Arabes, l'alcool et la drogue, les comportements sexuels qu'elle juge scandaleux. Elle dit souvent Il faudrait un peu d'ordre dans ce pays."

Sur cette même mère, un autre passage qui m'a marqué, est à retrouver page 64. Elle explique à son fils qu'elle aimerait qu'il fasse des études contrairement à elle qui a multiplié ce qu'elle appelle des erreurs. Le jugement, a posteriori d'Edouard Louis est implacable.

"Elle ne comprenait pas que sa trajectoire, ce qu'elle appelait ses erreurs, entrait au contraire dans un ensemble de mécanismes parfaitement logiques, presque réglés d'avance. Elle ne se rendait pas compte que sa famille, ses parents, ses frères, soeurs, ses enfants même, et la quasi-totalité des habitants du village, avaient connu les mêmes problèmes, que ce qu'elle appelait donc des erreurs n'étaient en réalité que la plus parfaite expression du déroulement normal des choses."

Outre son entourage, l'un des axes importants du livre c'est la découverte de son homosexualité. Page 142, il décrit une scène crue. Portés par leur puberté, ses potes (dont son cousin) et lui se retrouvent dans un hangar pour faire l'amour. Sur les deux paires, l'un des deux doit "faire la femme". Eddy, son nom de naissance, se retrouve allongé par terre.

"J'ai senti son sexe chaud contre mes fesses, puis en moi. Écarte, lève un peu ton cul. J'obéissais à toutes ses exigences avec cette impression de réaliser et de devenir enfin ce que j'étais. Chaque coup de reins qu'il me donnait faisait durcir un peu plus mon membre."


Je ne dévoile pas plus d'extraits et j'espère qu'ils vous ont donné envie. Sachez simplement que j'ai dévoré ce livre. C'était passionnant et pendant le temps de la lecture, j'ai eu l'impression d'être dans son foyer, de sentir l'odeur des cigarettes fumées par sa mère, voir son père rentrer bourré, d'entendre les moqueries de ses camarades et d'imaginer l'ambiance du village. En un mot, je vous conseille grandement de lire En finir avec Eddy Bellegueule d'Édouard Louis.


Infos
204 pages, 6€90 : cliquez-ici pour l'acheter.

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