L'annonce est tombée par un glacial lundi de décembre via un post Instagram. East Side Burgers annonce mettre un terme à l'aventure démarrée il y a 10 ans à Paris.
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Le joli visuel qui accompagne l'annonce |
En voyant apparaître la publication sur mon fil, j'ai d'abord cru à un canular puis je me suis dit que la date ne collait pas. Je suis passé en quelques instants par toutes les étapes du deuil. C'est dit au premier degré. Je publie cet article pour en parler.
Mais après la déception, je me suis surtout réjouis pour Stéphane et Teresa, les deux tauliers du lieu. Je sais qu'ils ne prendraient jamais une décision de la sorte sur un coup de tête. C'est sûrement motivé. Et il faut respecter cela.
Comme l'a dit Steve Carell à la fin de The Office, il ne faut pas être triste que ça s'arrête mais se réjouir que ça ait existé.
C'est ce que j'ai dit à Stéphane quand j'y suis allé pour la dernière fois ce mercredi 14 décembre 2022.
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La devanture d'East Side Burgers |
J'ai pris un Big Smack avec un steak Beyond Meat et des frites. C'était exceptionnellement bon. Comme à chaque fois que j'y suis allé. Cette fois-ci, j'ai accompagné le tout par des frites et des nuggets vegan.
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La cène |
Je me suis régalé une dernière fois et j'ai fait un bisou à Stéphane en le félicitant pour cette formidable aventure.
Tout a commencé en 2012
Mon histoire avec East Side Burgers a démarré il y a 10 ans. En 2012 donc, la même année où le fast-food a ouvert.
Quelques mois plus tôt, je m'installe à Paris pour poursuivre mes études. Quand on vient d'une ville vraiment tranquille comme Angers, venir vivre dans la capitale fait un choc. Un vrai choc. C'était il y a 10 ans. J'ai vécu beaucoup de choses pendant cette décennie. Pourtant, je n'ai jamais oublié ce que j'ai ressenti pendant mes premiers mois dans la capitale.
Outre l'excitation de faire des études et mettre un pied dans un monde qui me passionne (et me passionne toujours aujourd'hui), il y a aussi la découverte d'un environnement très différent. À Angers, comme je l'ai déjà dit, c'est calme. Les distances sont plus courtes, aussi. En 10 minutes, on est où on veut. Que ce soit en voiture ou en pignon fixe. Mes deux moyens de locomotion de l'époque.
À Paris, c'est plus long. D'ailleurs, à force, un trajet de 30 minutes semble court. Alors qu'à Angers, 30 minutes, c'est le temps qu'il faut pour aller à Segré.
Outre les temps de trajets longs, il y aussi tout ce qui accompagne une ville de plus de 2 millions d'habitants. Paris ça va vite. Très vite. Les métros toutes les 2 minutes, les voitures, les vélos (il y en avait moins en 2012 qu'en 2022), les camions de livraison, les sirènes de pompiers, les sirènes de la police, les gens qui marchent vite, les nombreux sans-abris, l'insécurité, la saleté, le bruit. Bref, c'est violent.
Le mot violent est pesé. Même si je me suis habitué à tout ça (je fais même partie de ce décor aujourd'hui 🙂), c'était difficile à l'époque. Je me souviens de mes retours chez moi, à Angers, où je pleurais tellement la différence entre les deux villes est grande.
Je vous raconte tout ça pour expliquer pourquoi East Side Burgers a été si important pour moi en 2012.
Quand j'arrive à Paris en 2012, à part ma soeur et la personne qui partageait ma vie à l'époque, je ne connaissais personne. Absolument personne. Passer d'une ville où j'étais chez moi à une autre où je n'ai aucun repère, c'est déstabilisant.
Avant d'aller plus loin, je dois préciser un détail important : je suis végétarien depuis 2008. C'est impossible à imaginer aujourd'hui mais à l'époque, les endroits où manger quand on est végétarien sont plus que rares. Je ne vais pas développer ici car ce n'est pas le coeur du sujet mais en gros à Paris (et à Angers aussi) il y avait deux options : le panini tomate/mozza (qui est une demande spéciale pas au menu) et le sandwich Subway avec une galette de légumes.
On est 2012. La situation n'a guère évolué. Même à Paris. Vous n'imaginez pas ma joie quand quelques mois après mon arrivée, je vois qu'East Side Burgers va ouvrir ses portes.
Pour moi, c'était un vrai événement. J'y suis donc allé et ça a été un vrai coup de foudre. Pas seulement pour la bouffe qui est excellente mais pour le reste aussi.
Déjà, Stéphane et Teresa ont tout de suite été adorables. Ensuite, parce que l'univers d'East Side Burgers était proche du mien. En 2012, je sortais d'une période commencée en 2002 mais qui s'est vraiment accentuée à partir de 2006 : le punk rock. J'ai organisé des concerts et assisté à un tas d'autres. Ensuite, le hardcore s'est greffé à cet amour du punk. Pareil : organisation de concerts et déplacements à travers toute la France pour voir des concerts. En un mot : j'étais un membre actif de la scène. Cette scène était minuscule. Tout le monde se connaissait au moins de vue.
C'était un milieu très niche que peu de gens connaissent en vrai. Aujourd'hui, quand on parle de punk, ça sort toujours les mêmes références : les Sex Pistols et éventuellement les Clash. Je ne parle pas de ça. Je parle de Justin(e), Dolores Riposte, Faits Divers, Bloom, Carving, P.O. Box. Pareil pour le hardcore. Voire pire. Là le grand public ne saurait citer aucun nom. Je pense à Have Heart, Gun's Up!, True Colors, Justice, Golden District ou encore Lasting Values.
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Un concert de Golden District à Toulouse en 2009 |
Je dis ça pour que vous compreniez à quel point c'est un tout petit monde où quelques passionnés avalent les kilomètres pour se retrouver à une trentaine (bon, parfois plus) dans la cave d'un bar.
J'ajoute un point primordial : je suis devenu végétarien parce que j'ai intégré cette scène. Dans ce milieu, à l'époque, c'était un sujet très important et très présent.
Eh bah Stéphane, le co-gérant faisait partie de cette scène.
Pour résumer en une phrase : le premier fast-food végétarien de Paris était tenu par quelqu'un qui pouvait comprendre une part primordiale de mon passé. Ça veut pas dire qu'on en a parlé à chaque fois mais ça fait un énorme point commun.
D'ailleurs, par la suite, quand je suis me suis enfin lancé à vélo à Paris, on s'est retrouvé autour du pignon fixe et on a même roulé une fois ensemble au polygone de Vincennes.
Je suis un passionné. On le voit un peu sur mon blog, on en a un meilleur aperçu en me suivant sur les réseaux et encore davantage en me connaissant dans la vraie vie.
Je n'ai jamais eu d'accointances nées de l'alcool par exemple. L'alcool c'est pas mon truc. Je pense à ça car je viens de voir passer sur Tik Tok un extrait où Bam Margera explique qu'un jour il s'est rendu compte qu'il n'avait que des potes de beuverie et qu'ils n'auraient rien à se dire s'ils ne se retrouvaient pas pour boire.
Ce que je veux dire dans cet article et qui peut se lire entre les lignes ci-dessus c'est que East Side Burgers est vite devenu un repère pour moi à Paris. Un endroit où quand j'y vais, je me sens chez moi.
Au-delà du fait que je m'y sentais bien, il y a un dicton ? une ligne ? bref, un truc qui se dit dans la scène punk c'est : « Support your local punk scene ». C'est un truc que j'ai découvert en 2006/2007. Concrètement, l'idée c'est d'encourager de façon active les initiatives. C'est un principe que je n'ai jamais lâché jusqu'à aujourd'hui. C'est donc ce que j'ai fait avec East Side Burgers. Y aller, y dépenser des sous, en parler sur les réseaux et faire découvrir aux gens.
En 2013, dans le cadre de mes études de journalisme, j'avais fait un sujet sur le végétarisme en France et j'avais tourné une des séquences à ESB.
La fermeture d'East Side Burgers après 10 ans coïncide avec mes 10 ans à Paris si vous avez bien suivi. Ça fait un truc. 10 ans c'est beaucoup dans une vie. Surtout la vingtaine. ESB aura été une partie non-négligeable de ces années.
Merci Teresa, Stéphane et toutes les personnes qui ont permis de faire tourner ce lieu.
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Le dernier burger 💚 |